Virus contre humain: la guerre des monde?
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Virus contre humain: la guerre des monde?

  • Depuis l’antiquité, plagues et épidémies sont le cauchemar d’une humanité qui chaque fois apprends puis oublie qu’il n’est pas le seul occupant de la planète et que d’autres formes de vie clament l’occupation des territoires que l’homo sapiens sapiens s’est approprié .

La peste noire du 14ème siècle a duré 5 ans avant de s’éteindre en Europe et la pandémie s’est propagée en Eurasie et en afrique jusqu’aux confins de l’Afrique sub-saharienne. Elle aurait tué 25 millions d’Européens soit 30 à 50% d’une population alors 10 fois moins importante qu’aujourd’hui.

Certaines pandémies moins lointaines, comme la grippe espagnole au début du siècle dernier ont fait encore plus de mort mais des études récentes 1 nous rappellent que la mortalité en a été masquée dans le public par la fin de la première guerre mondiale en 1918. Des nouvelles épidémies se sont développé avec l’apparition des coronavirus depuis le début de ce siècle (SRAS, MERS-coV, désormais COVID-19). Hors l’auto-guérison, que l’on constate heureusement dans beaucoup de cas car la durée de vie du coronavirus est généralement très courte, elles ont périodiquement appelé de nouveaux contingentements de morts.

la survie des malades hospitalisés va dépendre des soins hospitaliers, et du renforcement qu’ils apporteront à la résistance de l’organisme affecté, notamment d’assistance respiratoire. Le ralentissement de la progression de l’épidémie va dépendre fortement des stratégies et moyens d’isolement des malades et de confinement des porteurs potentiels, éventuellements asymptomatiques.

En résumé, le degré de résistance de chaque communauté à une telle catastrophe sanitaire va dépendre de la solidité de son système de santé et par ailleurs des stratégies que son système politique saura mettre en œuvre pour à la fois :

–     anticiper le développement de l’épidémie et éventuellement de la pandémie:

  • Appuyer et consolider la prise en charge de la maladie, la consolidation et la protection de son système de défense (personnel et matériel)
  • gérer pendant la crise le maintien d’un niveau économique minimum dans la perspective de la reprise
  • concevoir des projets de reprise tenant compte des conclusions sur les causes ayant amené la crise, pour consolider durablement l’éloignement du danger.
  • Prendre en compte la coexistence des espèce.
Beaucoup de groupes humains et d’associations se réclament de la permaculture, une philosophie de vie où êtres humains, animaux, insectes, plantes et micro-organismes vivent en harmonie dans un environnement sain et auto-suffisant. C’est une these généreuse, qui ne se pratique pas seulement dans quelques villages indiens mais elle a aussi ses contradicteurs, chez les scientistes aveuglés par le pouvoir de domination sur la nature qu’ils croient appartenir à l’humanité. Elle a aussi son antithèse, bien plus cohérente et raisonnée que le scientisme, une théorie de l’évolution dont Charles Darwin fut parmi les fondateurs. Elle ne résout pas le mystère de l’origine de la vie mais en éclaire l’évolution non plus à partir d’une notion d’harmonie et de coopération entre les espèces mais en en établissant la parenté et le contexte de compétitivité des êtres vivants dans un milieu existentiel partagé.
Situés aux deux extrémités de la chaine biologique, le virus et l’être humain aujourd’hui en conflit d’intérêt que certains qualifient de guerre, illustrent parfaitement la pertinence du concept darwinien.
 
Le virus est-il un être vivant ? Les avis sont partagés. Nous ne sommes pas tous d’accord sur ce qu’est un être vivant qui se distingue des objets inanimés par des facultés de nutrition, de reproduction et de développement, de sensibilité et d’autocomportement dynamique.
 
Vu sa taille et les moyens d’observation dont nous disposons, le virus est un organisme encore mal connu, dans sa constitution comme dans ses interactions avec les espèces vivantes, particulièrement avec l’homme. C’est un réplicateur, un terme inventé en 1972 par Richard Dawking, un accadémicien britannique bien connu pour ses travaux sur une théorie de l’évolution centrée sur les gènes. Le virus est un parasite intra-cellulaire qui utilise la machinerie biologique de la cellule hôte pour générer sa réplication qui ira « colonniser » une nouvelle cellule. La plupart des virus sont inoffensifs, vivent et meurent sans même se faire remarquer de leur hôte. Leur durée de vie est le plus souvent très limitée. Certains sont pathogènes à des degrés divers et leur hôte, suivant le cas, ne les détectera pas, ou en sera « plus ou moins malade », dans certains cas jusqu’a l’issue léthale. Les répliques successives se transporteront d’individu à individu, au delà de l’organisme hôte, de façon directe ou indirecte, porté par différents vecteurs de transmission.

C’est la situation dans laquelle les humains se trouvent avec le Covid-19, virus désormais connu pour son caractère mortifère mais qu’on ne sait pas encore combattre par une médication existante. Il n’existe que deux façons d’en combattre l’expansion à un niveau pandémique :

La première est de considérer que chaque individu développant des anticorps pourra s’auto-immuniser. C’est vrai mais cela dépend de la robustesse de l’organisme en défense. Compter sur cette auto-médication, c’est évidemment sacrifier tous ceux qui ne seront pas en mesure de la réaliser, mais ce n’est qu’en apparence une attitude darwinienne : On y voit plutôt l’ attitude désolidarisée d’une société cultivant l’individualisme qui laisserait en arrière les plus faibles incapables de résister. Il n’y a aucune surprise à constater que cette attitude soit celle de Donald Trump ou de Jair Bolsonaro, autocrates ultralibéraux ou encore celle constatée dans d’autres autocraties nationalistes fermant leurs frontières pour bloquer la maladie dénoncée comme venue d’ailleurs.

L’autre option adoptée est celle d’un confinement plus ou moins partiel et progressif ayant pour but, dans un premier temps, de limiter les contacts entre individus d’une communauté de telle sorte que l’infection virusienne ne se développe pas hors de l’individu malade.

Le confinement sera plus ou moins efficace suivant le régime politique et le degré de contrôle de son appareil sociétal sur un milieu citoyen qu’il faudra contraindre à une discipline inhabituelle.

Bien entendu, la vaccination des populations  est la solution permettant de mettre fin à la pandémie mais les délais de recherche, de mise au point puis les délais logistiques de vaccination en font l’arme finale mais qui n’aura son efficacité que dans quelques mois et en attendant les communautés n’ont d’autre recours que dans le controle et la réduction au minimum des contacts directs entre personnes, fusse au prix de mesures contraignantes.

Etat de guerre ?

La situation conduit les leaders d’opinion, dans les pays atteint par la pandémie, à entretenir un discours martial pour justifier les écarts aux règles démocratiques qu’elle impose.

Cette nécessité ressentie de la réduction des valeurs individuelles au nom d’un intérêt général de survie est en effet l’une des caractéristiques d’un état de guerre, mais c’est bien le seul point commun qu’il ait avec une pandémie : Si combat il y a, ce n’est pas contre un ennemi acharné à nous détruire. Le médecin, l’infirmier, l’agent de service public, le commerçant ou l’ouvrier amené à sortir du confinement pour servir l’intérêt général, défendre des vies ou simplement maintenir un niveau d’organisation sociale minimum mérite le respect et la considération comme le soldat défendant la patrie et court des dangers comparables. Pour autant, une fois la situation redevenue sous contrôle, il n’aura pas comme le militaire à retourner à la caserne pour y reprendre l’entrainement jusqu ‘au prochain conflit. Sa responsabilité sera plus grande encore : Il aura à faire tourner à nouveau la machine, si possible en réparant, dans sa structure et dans son fonctionnement ce qui a provoqué la catastrophe.

Clémenceaux disait « La guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires » mais pour la lutte contre la pandémie, on n’y pense même pas, y compris si, faisant feu de tout bois, on doit désormais utiliser certains moyens militaires pour soutenir les hopitaux civils. Les combat qui se mènent contre la maladie sont des combats civils, ce qui n’empèche pas certains personnages politiques de se prendre pour des chefs de guerre. La question qui se pose alors est : Pour le compte de qui prétendent-ils mobiliser la société civile ?

Dans les pays occidentaux, la réponse risque de rester dans la question : Les crises, quelles qu’elles soient y compris quand elles sont sociale, économique, sanitaire ou les trois à la fois est un état d’exception dont on cherchera à sortir dès que possible en rétablissant un ordre fonctionnel un moment remis en cause. C’est l’attitude par exemple du gouvernement français qui, tout en gérant plus ou moins bien une situation de crise, en se dédouanant des responsabilités qui sont les siennes dans l’insuffisance de ses moyens, commence à mobiliser ses forces dans l’objectif de rétablir après la crise coute que coûte l’appareil économique, sans beaucoup de considération pour les dommages qu’a subi le corps social ou pour les contorsions aux droits humains que cela implique. Le lobbying international, de Washington à Pekin en passant par Bruxelles lui donnera un coup de main.

La situation peut être différente dans les pays périphériques, en Asie notamment. Une conception autre des droits humains, basée sur d’autres valeurs que la démocratie représentative, avec des régimes politiques plus autoritaires, et des normes culturelles plus axées sur la tradition que sur la technocratie, explique que dans l’ensemble le contrôle de la crise semble avoir été obtenu plus vite… avec quelques réserves car pour les mêmes raisons, on a quelques doutes sur la fiabilité des données rendues publiques permettant d’évaluer le taux de réussite des stratégies développées.

L’issue de la pandémie sur l’ensemble de la planète fait peu de doute : les sociétés humaines survivront, avec des conséquences plus ou moins marquées dans chaque territoire et il est possible que les équilibres mondiaux en soient affectés. En dehors de la durée de la perturbation, très incertaine, la grande inconnue en sortie de crise sera, à l’heure du bilan, la crise sociale plus que la crise économique : ceci après une tragédie gérée dans la sidération et l’impuissance des citoyens du monde dépassés par les évènements. Après une pandémie comme après une guerre, on peut et on doit reconstruire un environnement matériel dans lequel de nouvelles générations oubliront vite les détails de l’ancien monde : c’est ce qu’a pu constater, de visu, la génération de l’après guerre, et l’auteur de ces lignes en fait encore partie. Il en a décrit les mécanismes dans un essai publié il y a 3 ans2.

Il y a eu un avant crise, il y aura un après crise. En raison des déséquilibres qu’elle provoque et qui ne sont pas tous perceptibles, l’après crise est peu prévisible.

Pour y réfléchir dans cet instant « privilégié » ou le temps semble s’être arrèté, on peut cependant examiner quelques hypothèses.

Un temps mort pour la planète

Il est relativement facile d’analyser les raisons de la faiblesse que le système capitaliste révèle après chaque crise, quelle que en soit la nature : Sous ses différents avatars, et ceci depuis des siècles, ce système propose et impose des choix de développements basés sur des rapports de force facilitant la croissance des plus forts, éliminant les plus faibles, dans le sens d’une concentration des pouvoirs dans une oligarchie de plus en plus réduite. Cette oligarchie s’établit aujourd’hui dans des centres de pouvoir sous l’influence des conglomérats financiers et des entreprises transnationales : elles imposent et dénaturent des objectifs plus politiques, notamment ceux qui auraient en perspective une plus grande régulation de l’économie pour lutter contre la déterioration de l’unique biosphère dont l’ensemble des espèces vivantes dispose et dont la classe oligarchique s’attribue faussement l’usufruit et la nue-propriété.

Dans ce système, entièrement dédié à l’accroissement des richesses, qui selon certains devrait finir par « ruisseler » sur ceux qui ne bénéficient pas naturellement de leur répartition, on fait une chasse impitoyable à tout ce qui pourrait compromettre la « marche en avant » des individus les plus doués, les « premiers de cordée ». Ces « guides naturels » se réclament de la dépendance et de la soumission des « sherpas » qui portent les bagages et ces derniers porteront le poids de la réussite sans toujours en récolter les bénéfices.

Ce faisant, le néolibéralisme met en oeuvre énormément d’efforts pour s’épargner la charge sociale des considérations humaines qui pourraient freiner la réussite du projet de sa technocratie.

Les « poids morts » considérés par ce type d’organisation, dont on aurait tort d’ignorer la cohérence dans une pérennité s’appuyant sur plus de trois siècles de domination seront principalement les biens et les services publics. Organiser les services suivant les besoins dans la solidarité est ressenti comme un véritable défit par le monde néolibéral : c’est l’évolution d’un libéralisme issu des lumières et revu par l’école de Chicago qui connut son heure de gloire dans le Chili de Pinochet de 1973 à 1990.

Son inconvénient, parmi d’autres, c’est la dégradation d’une gouvernance humaine inévitable dans un système de corruption organisé. Le système ayant désarmé les oppositions et assuré son contrôle sur les économies, si ces dernières sont bloquées, les forces vives de la communauté ne seront pas en mesure de lever de nouvelles énergies pour rétablir une situation inattendue.

Ainsi de la crise du COVID-19 ou la France, ayant déporté dans des pays tiers pour des raisons économiques l’essentiel de ses moyens productifs n’est même plus à même de fournir à ses forces hospitalières désarmées les moyens de la protection qu’elles doivent apporter aux populations. L’autorité publique est incapable de fournir même aux hospitaliers des masques et des tenues anti-infection ou des produits désinfectant, et aux malades des salles de réanimation équipées en nombre suffisant. Elle ne semble même pas l’envisager au delà du discours, nous jouant une comédie lamentable du déni : La France, encore aujourd’hui la 5ème ou la 6ème puissance industrielle du monde serait-elle devenu incapable de relancer la production industrielle de masques en papier, ou de respirateurs artificiels de base pour les hôpitaux ?

Il se pourrait que le milieu transnational prenne la relève des politiques tétanisés et d’après certains journaux en ligne, après General Motors parait-il « persuadé » par Trump de se lancer dans la production d’une ligne de respirateurs pour les hopitaux, les majors de l’industrie automobile européenne seraient prêts à accompagner ce mouvement en convertissant des lignes de production à du matériel à usage médical. C’est bien au niveau politique que se portera la décision, la commission européenne ayant implicitement ouvert les vannes d’un financement possible par le quantitative easing.

Pour les masques, c’est une autre histoire : La décision de ne pas en maintenir de stocks suffisants pour les services de santé ni d’en lancer à temps le renouvellement relève de l’incurie pure et simple et devrait faire l’objet d’une enquête si le contrôle parlementaire a encore un sens. En ce qui concerne le masque « barrière » qui aurait du pouvoir être à disposition du public, l’AFNOR a établi une norme du masque dit « chirurgical » et mis à disposition accessible sur le net le patron d’un modèle. Un certain nombre de petites entreprises du textile s’en sont emparées pour des productions locales vite submergées par l’importance de la demande des populations inquiètes Même sur internet on a beaucoup de mal à s’en procurer.

L’échec et les conséquences des décisions prises avant la crise ne sont évidemment pas de la seule responsabilité du pouvoir actuel en France et une bonne partie de l’opposition, de gauche comme de droite qui a auparavant exercé le pouvoir doit en partager la responsabilité. Il convient tout de même de remarquer que le pouvoir macroniste en jetant par terre un système politique certes corrompu par un autre qui l’est autant et en se réclamant ouvertement de politiques néolibérales comme substitut à la démocratie n’a pas peu contribué à la démolition de nos défenses publiques.

Il y aura un après-crise :  

Peu d’entre nous en doutent, au moins ouvertement, mais beaucoup le redoutent et mettrons tout en œuvre pour que l’on retombe dans l’ornière qui servait si bien les intérêts oligarchiques avant la crise.

Le paradoxe est que la colossale montagne de dettes publiques et privées créée par la situation sera gérée par le même réseau bancaire et financier international qu’avant la crise car il n’y a pas d’alternative disponible. Si, comme certains l’espèrent, nous entrons dans un nouvel avatar du capitalisme, mieux adapté à la survie de la civilisation humaine, ce ne pourra être que sous la pression sociale des populations dont une partie pourrait avoir une envie légitime de demander des comptes aux dirigeants actuels. Il faudra trouver la voie de plus de solidarité et de concessions aux lois de la nature pour rétablir l’espoir de pouvoir vivre à nouveau sur une planète pacifiée ou l’humain se sente de nouveau à sa place. 

Assez curieusement, les mêmes idées « pour s’en sortir » commencent à être entendues, proposées par de nombreux acteurs et relais d’opinion d’horizons très divers et parfois en opposition totale avec ce qu’ils professaient peu de temps auparavant : Prudence ou miracle d’une conversion opportuniste ? On le verra bientôt.

Certains, comme moi, sont en droit de considérer que l’ordre ancien est révolu, vu l’ampleur de la catastrophe qui frappe l’humanité mais chacun prend conscience de la difficulté de la tâche. 

Pour l’instant, il n’y a rien de plus important et incontournable que de survivre à ce que d’aucuns décrivent comme une nouvelle forme de roulette russe. Le meilleur moyen d’échapper au coup fatal étant de ne pas mettre trop de balles dans le barillet, éviter les contacts par le confinement est un impératif totalement incontournable. Chacun doit rester coincé dans son terrier, comme un lapin qui s’y terre dans la crainte du prédateur qui guette au dehors. Si par force il doit sortir, il le fera terrorisé par la rencontre possible de son voisin, de l’épaule duquel pourrait bien bondir le méchant virus embusqué. C’est très désagréable et cela pourrait bien durer, mais il y aura une fin et dehors, sur le reste de la planète, le printemps revient, la vie renaît et nous appelle à venir la partager.

Avez-vous remarqué que dans nos rues désertes ou on ne roule plus qu’avec parcimonie, on entend de nouveau les oiseaux chanter et si les humains ont presque disparus dans le paysage,ceux qui y restent peuvent, le temps d’un instant, imaginer qu’on a transporté leur ville à la campagne.

Cela ne durera pas, mais quand nous pourrons enfin nous réunir ensemble à nouveau, il nous faudra réfléchir au « comment nous organiser » pour introduire dans cette liberté retrouvée un peu de cette tranquillité que nous aurons offert au reste du monde, le temps d’une dispute avec notre voisin Coronavirus.

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1Notamment la chronique du 4 mars dernier de Pierre Cyrille Hautcoeur dans « Le Monde Afrique »

2Le rasoir d’Ockam, Claude Layalle, 2017, ed. Edilivre

  

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