Les forces de transformation du monde

Les forces de transformation du monde

Exposé sur la démocratie Attac Paris 12, Juillet 2004

Le terme et l’usage du capitalisme, porteur d’échanges organisés sur la base de création de profits sont apparu au XIXe siècle et l’usage s’est développé en même temps que l’industrialisation apportait d’autres outils à la création de richesses. Il s’est rapidement affranchi des frontières pour se mondialiser, les barrières douanières en limitant la progression pendant un certain temps, sous le contrôle des états, sans jamais empêcher réellement une circulation des richesses qui existait bien avant qu’on l’associe à la notion de capital.

Cette circulation des richesses transgressant les frontières est aussi ancienne que l’homme en tant qu’animal pensant et organisé : Certains préhistoriens relèvent l’existence, dès le paléolithique de ce qu’on appellera plus tard la « route de la soie » autrement dit la route des échanges mondiaux d’Est en Ouest. Pour autant, ces échanges sont resté très longtemps sous contrôle politique des états traversés.

Le néolibéralisme, avatar actuel du capitalisme a amené la financiarisation de l’économie.

La propriété des moyens de production antérieurement aux mains de quelques grands propriétaires a été éclatée sur des millions d’actionnaires mais cela n’a rien d’une extension de la démocratie : l’actionnaire n’a aucun pouvoir de décision, ce pouvoir se redistribuant suivant des modalités variées entre noyaux durs d’actionnaires, directions de conglomérats, fonds d’investissements, etc. .. Il partage les risques, pas le pouvoir !

C’est dans les groupements contrôlant aussi bien la production que la distribution et organisant de façon décentralisée le lobbying et le contrôle sur les autorités législatives que se situe le vrai pouvoir dominant dans l’UE.

L’avantage décisif qu’a cette oligarchie est de s’appuyer sur le réseau des banques, lui aussi privatisé pour l’essentiel, qui véhicule et organise la circulation des valeurs (actions, dettes, obligations, et naturellement monnaies …) sur différents marchés.

Ils ont aussi des points de rendez-vous, dont l’un des plus emblématique actuellement pour le public est celui de Davos ou se réunissent annuellement quelques dizaines de chefs d’état, plus ou moins un millier des plus importants chefs d’entreprises et quelques journalistes, dans une commune du canton suisse des Grisons transformé pour l’occasion en camp retranché. C’est un forum d’oligarques où il est bon d’être vu parmi ses pairs. Ce forum fut lancé en 1971 sous le patronage de l’Union Européenne et est devenu le gotha du capitalisme dans lequel le who’s who de la planète se retrouve tous les ans.

Il y a aussi des rencontres plus ou moins informelles entre les plus puissants de la planète dont le nombre et la composition peuvent varier , suivant le contexte : G7, G8, G20 représentatifs de l’état du monde à un moment donné.

On trouve aussi d’autres points de rencontre moins connus qui alimentent souvent les chroniques des milieux conspirationnistes, comme la commission trilatérale. Fondée à sa création (1973) par des oligarques USA/ Japon/ Allemagne, elle est aujourd’hui élargies aux dimensions inter-continentales avec un groupe européen, un groupe nord-américain et un groupe asiatique.

On notera aussi dans les rendez-vous a caractère symbolique le Groupe Bilderberg, créé dans les années cinquante, en pleine guerre froide, ultra conservateur. De 1999 à 2011, son directeur a été le comte Etienne Davignon, l’un des fondateurs du lobby européen ERT créé sous la tutelle du commissaire jacques Delors.

On pourrai multiplier les exemples et par exemple noter que certaines obédiences de la franc-maçonnerie sont aussi des lieux de rencontre de l’oligarchie financière et médiatique ou encore citer en France le traditionnel dîner du « siècle » à Paris place de la Concorde, « lieu de sociabilité des élites », sans oublier le « club de l’horloge », cercle de réflexion qui doit beaucoup au GRECE, mouvement né en 1969 à Sciences Po, animé par des étudiants se réclamant d’une « nouvelle droite » à tendance néo-fasciste.

Informelles mais influentes, ces diverses formes de points de rencontre des puissants ne constituent pas en tant que telles le gouvernement mondial clandestin que dénoncent les conspirationnistes du réseau Voltaire mais les idées y circulent et on ne peut nier que leur influence est un facteur de propagation important de l’idéologie qu’ils partagent et de ses applications.

Ce qui est important à noter, c’est que cette pratique du contact entre pairs est un élément important de la construction du réseau d’influence des lobbies de la planète.

L’opposition altermondialiste

La « société citoyenne et associative » à ne pas confondre avec la « société civile » de Tocqueville (la différence étant bien sur que nous n’y incluons pas les entreprises lobbyistes) est évidemment consciente de cette situation et nombreuses parmi les associations altermondialistes ont réfléchi à des stratégies en mesure de réduire cet avantage de l’oligarchie compensant largement son infériorité numérique.

En 2001, plusieurs organisations du mouvement altermondialiste décidèrent ensemble, pour répondre au défi que constituait le forum de Davos de créer un forum alternatif à Porto Alegre au Brésil.

Ces associations étaient notamment ATTAC, association française créée en 1998 et déjà installée dans l’action internationale, ainsi que plusieurs associations brésiliennes mais aussi le CADTM ou le CRID qui en est devenu le coordinateur. .  Du 25 au 30 janvier 2001, entre 5000 et 20 000 militants ont répondu à l’invitation. Depuis 2001 le FSM est reconduit chaque année et depuis 2004 il est devenu transcontinental : tenu à Mumbai, Nairobi, Belem, Dakar, Tunis, Montréal, Salvador, s’offrant même en 2006 un FSM « polycentré » entre Bamako, Caracas et Karachi, chaque fois mobilisant avec les ONG internationales d’autres associations locales sur des thématiques différentes.

Le FSM a essaimé en forums régionaux ou parfois nationaux qui sont autant d’occasions de contacts entre des organisations militantes qui jusque là s’ignoraient ou se rencontraient rarement. Ces contacts sont souvent suivis au-delà du forum et peuvent donner l’occasion de créer de nouveaux collectifs transfrontières.

Les FSM fonctionnent depuis 2005 sous couvert d’une charte qui sert de guide à leur organisation. Ils restent de vastes forums et ne sont pas devenus des coalitions : à la fin de chacun il n’y a pas l’émission d’un communiqué final en forme de feuille de route : Les FSM sont des étapes nécessaires de la réaction ensemble contre tous les asservissements mais il y a encore beaucoup d’efforts à accomplir pour qu’une plus grande part du public en prenne conscience et leur donne une puissance réalisatrice.

Au delà de cet aspect global, une autre orientation des luttes se dessine dans la société citoyenne  : Tandis que les entreprises se groupent ou créent ensemble des dispositifs lobbyistes qu’i s’infiltrent dans les négociations d’accords ou de directives importants, les associations se concertent et s’organisent pour des réponses communes. Leur rapprochement prend souvent la forme d’un mise en réseau coordonnant des actions de dimension européenne voire plus large.

Le thème écologique de la défense de l’environnement devient notamment de plus en plus central dans les mobilisations militantes.

Dans ce domaine de l’environnement, ces dernières années, les ONG sont devenues des centres de réflexion et d’action qui par leur engagement et leur emprise transnationale ont acquis une expertise devenues incontournable. Au niveau européen, leur plaidoyer, à défaut d’être toujours entendu et pris en charge ne peut plus être ignoré et est à l’origine de puissantes actions de niveau international voire mondial.

Le rapport de forces est loin d’être équilibré. Les lobbies au pouvoir par influence sont à la fois juges et partie dans le développement d’un productivisme basé sur l’accumulation des richesses et des pouvoirs entre quelques mains.

Quant à la démocratie, dont la version “représentative”est loin d’etre satisfaisante, elle gagnerai beaucoup à intégrer un peu plus de représentativité réelle parmi les citoyens mais ce n’est pas gagné.

Le monde étant ce qu’il est, l’action corrective des associations, si importante qu’elle soit et loin d’être négligeable n’est actuellement que palliative. Le mouvement associatif est, sinon par nature, du moins dans le contexte actuel dans l’incapacité, y compris par tous les moyens de la partition citoyenne d’acquérir une puissance financière équivalente à celle des lobbies pour leur plaidoyer. il lui faut trouver d’autres leviers d’influence, qui soient le moins possible liés à l’argent et ces leviers n’existent que dans la population citoyenne ultra majoritaire sur la planète qu’il reste encore à convaincre que sa mobilisation est non seulement utile mais possible et nécessaire.

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Note:

Le Centre de recherche et d’information pour le développement (CRID) a été créé en 1976 par 8 associations de solidarité internationale (ASI). Il en compte aujourd’hui une cinquantaine, réunies autour d’une vision partagée de la solidarité internationale, reposant sur le partenariat et l’éducation au développement. Il n’est pas inscrit sur le registre de transparence de l’UE et n’est donc pas à considérer comme un « influenceur » car son rôle est moins de plaidoyer que d’organisation et de coordination entre des associations poursuivant ensemble des buts communs et comme tel il est un élément essentiel de l’organisation altermondialiste.

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