La démocratie, dans le ressenti des populations, s’insère dans un tissus culturel influencé par l’histoire et parfois par la géographie quand les conditions y sont particulières. Ses conditions d’établissement sont nécessairement différentes d’un pays à l’autre.
Ce n’est pas pour autant un système stable : ce mixage permanent d’intérêts contradictoires qui s’agglomèrent ou au contraire se combattent et parfois s’annulent crée des inégalités et des contraintes pour le citoyen individuel, encadré par un appareil d’état qui en gère tant bien que mal les contradictions.
– Cet équilibre fragile peut être rompu par une crise économique : une bulle financière éclate et les contribuables de toute la planète doivent s’endetter et mettent en danger l’équilibre de leurs institutions pour éviter l’écroulement du système bancaire qui soutient les économies comme la corde soutient le pendu.
– Ce peut être une crise sociale et brusquement surgissent sur les ronds points des gilets jaunes témoins et victimes du désordre général, jetant la panique dans un gouvernement qui jettera des milliards d’euros sur la table et des milliers de policiers dans les rues pour « rétablir l’ordre ».
– Cela a pu être, mais qui s’en souvient encore ? le monde étudiant levant des barricades et le monde ouvrier mobilisé en 1968 , conduisant à l’arrêt forcé de l’économie et de 10 millions de travailleurs un mois durant.
– C’est encore, ces 4 dernières années, un cow boy américain excentrique et pitoyable, improbable héritier de la brutale conquête de l’Ouest, poussant ses groupies à conquérir le capitole, réveillant l’isolationisme d’avant la dernière guerre mondiale, prétendant rétablir des barbelés sur la prairie des états-unis cernés par le monde multilatéral et les multinationales : une création qui lui échappe.
Chaque fois, sur un territoire plus ou moins étendu, la structure républicaine est menacée ou disparaît un moment, bousculée par une urgence entretenue par les régimes politiques en place soucieux de leur survie comptant pour eux autant que le système néolibéral qu’ils ont créé. Tel le mythique catoblépas, le système a désormais la tête si lourde qu’il n’a plus à la portée de ses dents, pour se nourrir, que ses jambes à dévorer.
Après chaque crise, certes, un nouvel équilibre s’établit, dans lequel un peu de liberté individuelle sera chaque fois sacrifié à l’ordre dans la crainte de la prochaine crise à venir. Les évolutions nécessaires vite baptisées désordre devront être par avance contrôlées par une police toujours plus armée et protégée. Cette dernière, dont certains comprennent qu’elle ne pourra réellement maintenir l’ordre quand le désordre est systémique est devenue garde prétorienne pour le système en place.
Et puis survient une pandémie, une crise de plus qui vient nous rappeler que nous sommes sur une planète partagée par différentes espèces et que si l’une d’elles, la nôtre, a pu croire dominer la nature, d’autres la partagent : le « struggle for life » beaucoup plus que le progrès technique est la préoccupation principale de toutes les formes de vie quel que soit leur niveau de conscience. Pour se développer, elles s’entre dévorent et se disputent le territoire, certaines plus pédatrices que d’autres. Certaines, par instinct, limitent leur prédation à ce qui leur est nécessaire pour vivre et assurer leur reproduction: L’être humain ne dispose pas de cet instinct ou l’a perdu au cours de son évolution et le paie aujourd’hui dans sa confrontation avec d’autres formes de vie dont il ne comprend pas toujours les mécanismes fonctionnels.
Les virus sont des entités biologiques vivant au dépens des cellules du mode de vie qu’ils habitent.
Il y en a partout, la plupart ne sont pas pathogènes. Beaucoup, ignorées des humains et globalement inoffensives se développent dans le monde animal non encore domestiqué par l’homme comme au sein de nos sociétés.
En passant de certains animaux aux humains, des virus qui sont pathogènes ont conquis de nouveaux territoires sous la peau des humains. La défense collective, sur l’ensemble de la planète découle plus des nécessité de la situation que du génie de nos « chefs de guerre » autoproclamés : Les politiques pratiquées ne sont pas sans nous faire penser à la politique de la terre brûlée pratiquée par le peuple Russe pour affaiblir l’armée Napoléonienne : Nous sacrifions des parts entières de notre vie sociale organisée et des pans entiers d’économie pour un isolement volontaire que nos organismes individuels ont de plus en plus de mal à supporter. Malgré tous les efforts du néolibéralisme, l’humain reste un individu grégaire qui a besoin du contact des autres, qu’il soit fusionnel ou antagoniste pour simplement bâtir une société qui lui donne des raisons d’exister.
La vaccination va certes renforcer nos défenses en attendant qu’un remède, s’il en existe un, repousse l’invasion du virus jusque dans le monde animal d’où il n’aurait jamais du sortir.
La vie reprendra-t-elle comme avant ? Rien n’est moins sur car au delà de la pandémie, la crise environnementale va rendre plus compliqué le retour à un type d’organisation qui jusque là a reposé sur la dilapidation des ressources de la planète et devra bien s’adapter aux réalités. Le retour à la liberté et à la démocratie sera-t-il encore possible ou même souhaitée par des populations aujourd’hui asservies comme jamais aux autorités de confinement ?
C’est bien de démocratie qu’il s’agit et il est temps d’y réfléchir : Il n’y a pas de démocratie sans démocrates, et si les citoyens sont aujourd’hui remarquablement cohérents et solidaires dans leurs réactions défensives, ce n’est pas toujours le cas pour les autorités en charge dont la pédagogie se résume à imposer et étendre, de confinement en couvre-feu une vie sous-contrôle dont on commence à craindre qu’elle préfigure le monde d’après.
Faute d’une réflexion collective sur le sujet, on pourrait bien, dans l’avenir, voir surgir d’autres réactions « populaires » orchestrées par d’autres manifestations de rond points ou par d’autres invasions de lieux publics, avec un concert de LBD et de robocops en accompagnement, ce qui n’est pas réellement la plus satisfaisante façon de pratiquer la démocratie.
Alors oui, la démocratie pourrait bien être soluble dans la covid 19, mais ce n’est pas le seul solvant dangereux pour la société humaine : une trop forte dépendance d’autorités investies d’un rôle qui parfois les dépasse peut aussi avoir des effets toxiques.