Entre libre échange et protectionnisme

Entre libre échange et protectionnisme

 

L‘idéologie néolibérale présente le libre échange comme une donnée universelle intimement liée à la liberté et à la démocratie. Les souverainistes, de leur côté, prônent le droit au protectionnisme.  Les XVIIIe et XIXe siècles comme une partie du XXe siècle ont été protectionnistes : Les idées libre échangistes apparurent cependant au XIXe siècle sous une forme plus universelles.

Le libre échange s’est généralisé à partis de 1945, sous l’influence des USA désireux de maintenir et accroître le développement hors frontières de leur industrie acquis dans la guerre : En huit cycles de négociation dans les GATTs2, le libre échange est progressivement devenu la règle universelle avec trois conséquences principales et de multiples effets collatéraux :

  • L’abaissement des barrières douanières et la création d’une vaste zone de libre échange devenue aujourd’hui l’UE .
  • Avec la disparition des frontières, le développement des entreprises transnationales protégées par un lobbying puissant et organisé.
  • Le démentellement progressif des protections assurées par les barrières douanières au développement industriel des pays les moins développés.

Cette situation a été institutionnalisée par la création de l’OMC en 1995, un organisme multilatéral exerçant une autorité convenue sur les états signataires avec un organisme de règlement des différents (l’ORD) pour la faire respecter.

L’une des justifications théoriques du libre échangisme mis en place dans les GATTs était la théorie sur les avantages comparatifs préconisée par l’économiste Ricardo. Elle a perdu toute justification depuis que la production n’est plus localisée sur un seul pays mais organisée sur toute la planète au gré des multinationales. Certains peuvent contester ce point de vue: la théorie de Ricardo s’applique désormais aux différents composants d’un produit complexe mais il ne s’agit plus de libre échange entre pays souverains mais de simple organisation de la production et de la distribution au seul profit de l’entreprise transnationale. Pour l’essentiel, cette organisation est hors du contrôle des pays où ces entreprises sont résidentes sans réellement appartenir à la colectivité nationale.

Les effets négatifs du libre échange miné par ses excès et leurs conséquences permet à certains de penser que le multilatéralisme est mort, tué par la mondialisation.  Certes, l’échec du cycle de Doha a stoppé le durcissement programmé de ses règles d’échanges universelles et de nombreux pays montrent une tendance à l’isolement marqué par une forte progression de l’extrême droite. La position « America First » manifestée par le Président des USA et le parti républicain du mandat US précédent n’a rien arrangé mais il est loin d’être certain que le mandat démocrate qui s’annonce, sous une apparence peut être un peu plus policée soit plus accommodant.

Pour autant, si l’OMC souffre de la division de ses membres dans sa progression, ses règles endossées par 164 pays qui les ont signées restent la base et le fondement des accords de libre échange dits « de nouvelle génération » qui se multiplient entre états : ces accords sont sans aucune exception libre échangistes.

Leur différence avec des accords passés, comme les accords ACP-UE qui furent signés avant 1995, c’est à la fois cette conformité aux règles de l’OMC, dont la clause de la nation la plus favorisée6 qui met fin à bien des coopérations positives mais aussi l’aggravation de l’influence de la finance et des lobbies industriels par les avantages particuliers concédés aux investisseurs et la dérégulation de la finance au détriment des pouvoirs public.

Les souverainistes protestent et réclament le retour a un protectionnisme plus ou moins radical et la suppression des accords dits de libre échange. Il y a pourtant des cas ou l’enfermement dans ses frontières peut nuire à l’intérêt général : C’est souvent l’apanage des états totalitaires et l’histoire garde le souvenir de l’Allemagne Hitlérienne après Weimar, du Cambodge de Pol Pot ou de la Corée du Nord de Kim Jong-un. La résurrection de la « doctrine Monroe » aux USA avec l’option « América first » est certes moins inquiétante mais cette évolution mérite néanmoins réflexion.

Il est finalement tout aussi important d’exiger une évolution de l’OMC vers moins de libre échangisme imposé et plus de responsabilité rendue aux états dans l’échange que d’empêcher la prolifération des accords de libre échange mettant la liberté du commerce au dessus des lois. Cette remise en ordre doit se faire sans nier la nécessité des échanges par eux-même, moyen naturel et nécessaire de communication entre les peuples dans un monde interconnecté.

En d’autres termes, il s’agit de remettre une dose de protectionnisme dans le libre échangisme et d’éviter l’enfermement de chacun dans ses frontières par une altermondialisation intelligente et solidaire. L’enjeu est de réguler la globalisation sauvage qui se met en place sous nos yeux, sous l’effet de la concurrence mortifère de tous contre tous.

Comme toutes les œuvres humaines dans lesquelles l’équilibre ne peut se réaliser que dans le compromis, le parcours vers cette issue comportera sa dose d’échanges régulés, de protectionnisme, de relocalisations et d’externalisations, d’exigences nationalistes et d’idéal internationaliste…

…. as usual !!!

 

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