A la recherche d’une citoyenneté européenne

A la recherche d’une citoyenneté européenne

La démocratie telle que Abraham Lincoln la définissait ( «Le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple») présuppose que l’on associe les citoyens à sa définition mais surtout que les citoyens s’y intéressent, et tout dépend évidemment de ce qu’est la démocratie réelle ou du moins comment on la définit.

Au 5ème siècle avant JC, on définissait à Athènes une démocratie citoyenne. Pour être citoyen, il fallait être libre, né de père et de mère athéniens, avoir 18 ans, avoir fait son service militaire et payer ses impôts. En France aujourd’hui pour être reconnu citoyen de plein droit, c’est un peu la même chose, encore qu’il est des citoyens français échappant à la corvée d’impôts et que notre armée citoyenne soit devenue professionnelle.

Simples détails: A Athènes, n’étaient pas citoyens les esclaves et les métèques ( Métèque: étranger résidant à Athènes) , population très majoritaire sur laquelle reposait une partie de sa puissance économique. La démocratie instituée y était largement censitaire. Dans l’UE, (pas seulement en France!) et dans certains quartiers dits «sensibles», la police même a du mal à contrôler l’application d’un droit citoyen.

Aujourd’hui, dans les pays de l’UE, la démocratie se définit comme représentative et le droit citoyen se limite de plus en plus à choisir ses représentants parmi des candidats qui vont une fois élus gouverner pour la durée de leur mandat, ne se rappelant qu’ils ont des citoyens à considérer qu’à l’approche de la prochaine élection.

Au delà du rêve anarchiste , la délégation de pouvoir et la prise de décision responsable hors du caucus permanent est un moyen d’éviter la paralysie d’une administration, mais peut aussi l’instituer en l’absence trop flagrante de contrôle sur ceux qui sont en responsabilité par ceux qui en dépendent,  en l’absence de participation réelle des populations dans l’élaboration des décisions. C’est pourtant bien la réalité quotidienne de l’UE telle qu’elle fonctionne. La structure europunienne s’élabore, de traité en traité. La question ouverte à ce jour est de la placer réellement sous un contrôle citoyen. Le problème n’est ni nouveau, ni même original. Toutes les communautés organisées ont à en connaître et doivent trouver des solutions. L’Union Européenne n’y échappe pas. Au niveau national, chaque pays membre a une façon différente d’établir sa base de démocratie représentative. Chacun y parvient d’une façon que nous ne nous permettrons pas de juger: dans les trois siècles précédents où des états stables se sont formés, et parfois détruits et reconstruits, des normes sociétales différentes se sont établies dans chaque communauté nationale, que l’UE s’efforce de rendre compatibles entre elles sans toujours y parvenir. La mondialisation économique a bien entendu un effet «rouleau compresseur» par la standardisation qu’elle opère jusque dans les normes sociétales et par extension dans la vie culturelle et sociale mais les différences culturelles sont plus résilientes qu’il y paraît. Le problème sur lequel achoppent les responsables de l’Union est d’éviter de détruire un niveau de consensus entre citoyens au nom d’une efficacité souvent discutable.

Chaque pays s’obstine à apprécier son «chez soi» national, parfois en le rendant dynamique. C’est souvent très difficile en raison du mode de fonctionnement de l’Union combinant une organisation pyramidale et technocratique avec une direction multicéphale parasitée par l’influence des lobbies. Dans ce mode de fonctionnement, il est inexact de parler de démocratie représentative: La représentativité du citoyen y est réduite à la portion congrue.

De la naissance à la mort, chaque citoyen d’un pays membre supporte des obligations et bénéficie de droits qui sont liés à son statut citoyen. Il s’en réclamera ou devra y répondre tout au long de sa vie: le citoyen Français, Allemand, Italien ou Maltais comme ailleurs le citoyen Chinois ou Américain ou Mexicain aura des liens particuliers avec son propre pays . Quand il est de plus «européen», il n’aperçoit l’UE que de très loin en contre-jour du territoire dans lequel il vit. Cela explique pour l’essentiel l’attitude au mieux indifférente, souvent méfiante ou même parfois hostile des opinions publiques nationales à l’égard des structures europuniennes. Près de 80% des législations nationales sont élaborées en commun à Bruxelles avant d’être entérinées par les parlements nationaux devenus chambres d’enregistrement et bien loin d’un contrôle citoyen. Bien entendu, les politiques menées, notamment sous la bannière néolibérale ne sont pas pour rien dans ce manque d’intérêt dans la cause européenne qui repose largement sur un malentendu: Le citoyen supporte sur son terrain de vie – National comme local – les conséquences de décisions souvent prises très loin de lui, dans la lointaine Europe. Vue de son village ou de son urbanité, l’UE n’est rien d’autre que l’étage supérieur d’un pouvoir régalien hors de sa portée, un «non sujet» quand les problèmes du quotidien lui imposent d’autres priorités. C’est alors qu’il est le plus vulnérable à une acceptation de la croyance que la politique n’est pas l’affaire d’un choix citoyen. Si dans le traité de Rome de 1957, le terme de citoyen européen n’est pas inscrit une seule fois, c’est que juridiquement le citoyen européen n’existait pas encore dans la CEE, il ne s’agissait que d’une union d’états dont chacun administrait ses propres citoyens. La situation a changé au moins en principe en 1993 avec le traité de Maastricht qui définit en son article 9: «Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.» Pour autant, la citoyenneté en soi ne se décrète pas.

Cette notion de citoyenneté européenne désormais structurelle dans l’Union accompagne l’illusion dans laquelle les fédéralistes voudraient contenir les peuples européens d’une communauté organique permettant de faire bloc face aux tendances hégémoniques de grands blocs asiatiques ou trans-océaniques qui se dessinent sur la planète. La mainmise de la réalité économique confisquée par la finance internationale ne suffira pas à éteindre les conflits qui résultent de notre hétérogénéité.

Y compris dans les états Nord Américains des USA vivant ensemble depuis maintenant 2 siècles et unis par la langue comme par le système économique, la dernière transition démocratique de changement de majorité au départ de Trump à montré la fragilité d’un système libéral ou les rapports de force sont les éléments principaux de régulation.

En définitive, la citoyenneté européenne n’est pas pour demain : Il faudrait déjà que la citoyenneté nationale dans chaque état prenne consistance avec la volonté de ses citoyens d’y participer, pour que leurs représentants, vraiment représentatifs, analysent ensemble comment préparer un avenir commun.

                                                                o-o-o-o-o

Laisser un commentaire